Des scientifiques aident les ibis chauves à migrer grâce à de petits avions ULM

Disparu d’Europe depuis le XVIIᵉ siècle, l’ibis chauve retrouve aujourd’hui le chemin de la migration. Grâce à l’association WaldrappTeam, près de 300 oiseaux sont de retour dans nos ciels.

L’image a de quoi surprendre : une trentaine d’ibis chauves fendent l’air, guidés par de petits avions qui les escortent de l’Allemagne à l’Andalousie. Cette migration assistée est pourtant au cœur d’un projet scientifique inédit en Europe, destiné à réintroduire cet oiseau disparu du continent depuis le XVIIᵉ siècle.
L’histoire débute dans les années 1990. Le biologiste autrichien Johannes Fritz travaille alors sur sa thèse, lorsqu’il observe que les ibis chauves, bien qu’encore capables de voler, partent dans toutes les directions et meurent en tentant de migrer.
« Nous avions observé que ces oiseaux avaient une capacité de migration, mais ignoraient où aller. À ce moment-là, il y avait ce célèbre film hollywoodien, Fly Away Home, où une jeune fille vole avec des bernaches du Canada. Et cela a été pour nous une source d’inspiration », précise le spécialiste à La Relève et la Peste.
Le pari est audacieux : guider les oiseaux grâce à des avions ultralégers motorisés (ULM). C’est la première fois qu’une telle technique est appliquée à un programme de conservation.
« Le premier défi – qui reste d’actualité – est l’élevage : les oiseaux doivent s’attacher à des parents adoptifs humains, sinon ils ne suivent pas l’ULM. L’autre difficulté concernait l’appareil lui-même : nous pensions que les ibis volaient à 50-60 km/h, alors qu’en réalité leur vitesse est de 40-45 km/h. Ce n’est qu’en 2006 que nous avons trouvé l’ULM adapté, celui que nous utilisons encore aujourd’hui ».
Fait remarquable : même plusieurs années après, les ibis reconnaissent encore les humains qui les ont guidés lors de leur premier voyage.
L’Europe avait perdu l’ibis chauve depuis le XVIIᵉ siècle, éradiqué par la chasse et la destruction de son habitat. L’espèce s’était maintenue uniquement dans quelques régions d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et dans les zoos européens. Aujourd’hui, grâce au projet WaldrappTeam, environ 300 ibis réapprennent à parcourir le ciel d’Europe centrale, de l’Italie jusqu’à l’Espagne.
Face à la disparition accélérée des grands migrateurs, l’expérience pourrait inspirer d’autres programmes de sauvegarde. Je pense que, dans l’avenir, nous aurons urgemment besoin de méthodes comme la migration assistée pour les aider à survivre dans un environnement qui change très vite », conclut Johannes Fritz.