La journée silencieuse d’un chien errant : entre faim, rejet et solitude

L’aube se levait à peine sur la ville encore engourdie, quand le chien ouvrit les yeux. Un bâtard au pelage mêlé de brun et de noir, son dos osseux trahissant des jours sans repas. Il dormait, ou plutôt s’abandonnait, sous un tas de cartons humides, dans une ruelle étroite envahie par l’odeur aigre des poubelles. La faim, son éternelle compagne, le força à se lever, ses pattes maigres tremblant légèrement sur les pavés glacés.

Il se glissa furtivement dans la lumière du matin, longeant les murs comme une ombre. Les premiers bruits des marchands ambulants résonnaient dans l’air. Il trottina jusqu’au marché, un territoire familier où les odeurs de poisson, de pain rassis et de légumes pourris guidaient son museau en quête d’un maigre festin. Mais les commerçants ne l’aimaient pas. À peine s’était-il aventuré sous une table qu’un balai s’abattit sur lui avec un cri furieux :

— Va-t’en, sale bête !

Il s’éloigna en trottinant, la queue basse, mais sans abdiquer. La vie d’un errant n’offre jamais de répit. Chaque poubelle fouillée, chaque miette trouvée était une victoire, un sursis accordé à son corps affamé.

Plus tard, le soleil montait haut dans le ciel, et la chaleur étouffante le poussa à chercher refuge sous un vieux camion garé. Là, il s’allongea, le museau posé sur ses pattes avant, ses yeux fixant distraitement les passants qui allaient et venaient. Certains détournaient le regard, d’autres lui lançaient un coup d’œil méprisant. Un enfant s’approcha, un morceau de pain à la main, mais sa mère l’attrapa rapidement par le bras, murmurant quelque chose sur les maladies.

L’après-midi, une bande d’enfants le poursuivit, riant et lançant des pierres. L’une d’elles frappa sa patte arrière, le faisant boiter. Il s’échappa de justesse, trouvant refuge dans un parc déserté. La blessure n’était pas grave, mais la douleur s’ajoutait à son épuisement.

Le soir venu, le chien trouva un coin calme sous un porche. La ville s’endormait peu à peu, les lumières des réverbères dansaient sur les trottoirs. Il posa sa tête contre le béton froid, ses yeux mi-clos, observant les étoiles au loin. Dans un dernier soupir, il s’imagina une autre vie, peut-être celle d’un chien aimé, dormant près d’un feu de cheminée. Puis le sommeil l’emporta, bercé par le murmure lointain de la ville.

Merci Mon Véto