Paul Watson : on débunk les mensonges des Japonais

La semaine dernière, Kyodo Senpaku, la principale compagnie baleinière japonaise, a partagé une photo et une vidéo, prises au tout début du mois d’août, sur lesquelles on voit la carcasse du premier rorqual commun abattu dans le cadre d’une chasse commerciale au Japon depuis près de 50 ans.
Le gigantesque mammifère est filmé en train d’être hissé à bord du Kangei Maru, le nouveau navire baleinier géant de la flotte japonaise, inauguré en mai dernier. Mis à mort au large du Japon, l’animal mesurait 19,61 mètres et pesait au moins 55 tonnes. À bord du navire-usine, il a été découpé puis congelé. Depuis, sa viande a été proposée en dégustation à Tokyo et distribuée dans différents marchés.

Il n’est malheureusement pas le seul à avoir subi ce sort : depuis début août, le Japon a déjà abattu cinq autres rorquals communs. Et rien que pour cette année, le gouvernement japonais a autorisé la chasse commerciale de 376 baleines, dont 59 rorquals communs. Si le Japon n’a jamais voulu mettre un terme à la chasse à la baleine, il n’autorisait plus celle du rorqual commun depuis 1976. C’est donc un retour en arrière dramatique.
Deuxième plus grand mammifère au monde après la baleine bleue, le rorqual commun est toujours considéré comme “vulnérable” par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 
C’est précisément parce que Paul Watson voulait s’opposer à ce massacre que le Japon a fait arrêter le fondateur de l’ONG Sea Shepherd et militant historique contre la chasse à la baleine le 21 juillet dernier à Nuuk, au Groenland. 

Ils n’ont pas émis ce mandat d’arrêt à cause de ce que j’ai fait mais à cause de ce que nous allions faire : intervenir contre le Kangei Maru, leur nouveau navire-usine. Le but était spécifiquement de nous empêcher de faire ça”, nous confirmait d’ailleurs Paul, lors de notre interview depuis sa prison, que vous pouvez retrouver en accès libre sur le site de Vakita
Une arrestation très politique que le Japon justifie au nom de son “bon droit” et de la “tradition”. Dans cette newsletter, nous revenons sur les trois principaux mensonges du gouvernement japonais pour continuer de tuer massivement des baleines.
Mensonge 1 : consommer de la viande de baleine est une “tradition populaire” au Japon
C’est l’un des arguments du gouvernement japonais : manger de la baleine serait une tradition ancrée dans les mœurs alimentaires du pays. En réalité, les Japonais consomment très peu de viande de baleine. Il y a bien eu un pic momentané après la Seconde Guerre mondiale, quand le pays était en pleine reconstruction et que la viande de baleine constituait un apport important de protéines pour une population insulaire appauvrie et affamée. Mais la consommation s’est ensuite écroulée
Pour vous donner une idée, elle est passée de 200 000 tonnes par an en moyenne dans les années 1960 à moins de 2000 tonnes dans les années 2000. La viande de baleine représente aujourd’hui à peine 0,1% de la consommation de viande au Japon.
Si les Japonais se sont largement détournés de la viande de baleine, les promoteurs de la viande de baleine, eux, rêvent de voir cette consommation rebondir et semblent prêts à tout pour y parvenir. Y compris à faire appel à des influenceurs étrangers pour en faire la promotion. Sur Vakita, nous avions d’ailleurs repéré le cas de cet influenceur français qui avait fait la réclame de “sushi de baleine” sur ses réseaux sociaux. 
En réalité, la question est surtout politique. Elle est d’ailleurs largement instrumentalisée par des politiciens proches de la droite nationaliste japonaise, qui ont des liens étroits avec cette industrie. De manière moins avouable, la filière baleinière, qui carbure aux subventions publiques, sert principalement les intérêts d’une petite poignée de personnes issues des régions de pêche. 
Dans une vidéo de soutien à Paul Watson,
 le défenseur des cétacés américain Ric O’Barry, qui a passé 19 jours dans une prison japonaise, a d’ailleurs souligné les liens forts qui unissent les yakuzas -la mafia japonaise- et l’industrie baleinière. 
Mensonge 2 : le Japon a le droit de chasser des baleines
Après l’argument culturel, c’est celui juridique qui est avancé par les autorités japonaises pour justifier le massacre des cétacés. À les croire, le Japon serait dans son droit et le fait de chasser des baleines ne regarde que lui-même. C’est oublier les règles internationales qui s’appliquent en matière de conservation du mammifère marin. 
Depuis 1986, un moratoire international sur la chasse à la baleine a en effet été instauré par la Commission baleinière internationale. Cette organisation, fondée en 1946, a été créée pour réguler la chasse à la baleine et garantir la survie des populations de cétacés, alors en déclin partout dans les océans à cause de sa chasse intensive. Ce moratoire interdit toute forme de chasse à des fins commerciales. Cependant, il existe des exceptions, notamment pour : 
La chasse aborigène dite de subsistance, autorisée pour certaines communautés autochtones, qui dépendent historiquement des baleines pour leur survie. C’est le cas par exemple au Groenland, pour préserver les habitudes alimentaires de la communauté inuit, comme nous l’expliquions récemment sur Vakita.La chasse scientifique, autorisée officiellement pour collecter des données sur les cétacés, par exemple en prélevant des échantillons sur des baleines capturées. 
C’est cette brèche (la chasse à des fins scientifiques) que le Japon a utilisé pendant des années pour continuer de chasser massivement des baleines en toute impunité. Du moins jusqu’en 2014, date à laquelle 
le pays a été condamné par la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye pour pratiques de chasse illégales. 
Cette condamnation faisait suite à une plainte de l’Australie contre le Japon auprès de la CIJ en 2010. Le gouvernement australien accusait alors son homologue japonais d’utiliser son programme “scientifique” de chasse à la baleine comme couverture pour une chasse en réalité bien commerciale. Pour étayer son accusation, l’Australie s’appuyait notamment sur les campagnes en mer réalisées par Sea Shepherd et Paul Watson, documentées dans la série “Whales Wars” 
(Justiciers des mers).


Conséquence : le 31 mars 2014, la CIJ a statué en faveur de l’Australie, concluant que le Japon violait bien la réglementation de la 
Commission baleinière internationale
. La cour a jugé que le Japon n’était pas parvenu à justifier scientifiquement le nombre de baleines tuées et que le programme n’avait pas généré les résultats scientifiques escomptés.
Suite à cette condamnation historique, le Japon a été contraint de stopper ses activités de chasse à la baleine dans l’Antarctique. Un répit de courte durée puisqu’
en 2019, le Japon s’est définitivement retiré de la Commission baleinière internationale (CBI) pour s’affranchir ouvertement du moratoire de 1986. Avec l’Islande et la Norvège, il figure donc parmi les derniers pays à autoriser, illégalement, la chasse à la baleine.

Mensonge 3 : le mandat d’arrêt contre Paul Watson est légitime au regard de ses actions violentes contre les baleiniers japonais


Pendant que le gouvernement japonais s’affranchit donc du droit international, Paul, lui, dort toujours en prison au Groenland. Il risque une extradition vers le Japon et une peine de 15 ans de prison. À 73 ans, il n’aurait quasiment aucune chance d’en revenir vivant. 

Pour justifier sa demande d’extradition, le Japon s’appuie sur un mandat d’arrêt contre lui, lancé en 2012 sur le compte d’événements en mer survenus en 2010 en Antarctique contre l’un de ses baleiniers. Il s’agit des mêmes événements qui ont permis de mettre en évidence le caractère illégal des activités de chasse à la baleine japonaises. 

Ce mandat d’arrêt repose notamment sur ces deux accusations : “conspiration d’abordage” et “violence” sur un membre de l’équipage japonais. Dans notre documentaire Vakita consacré à l’arrestation du capitaine, la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, démonte les arguments avancés dans ce mandat d’arrêt. À savoir : 

  • Les faits d’abordage reprochés n’ont pas été commis par Paul Watson, mais par Pete Bethune. Ce militant écologiste néo-zélandais, sympathisant de Sea Shepherd, agissait au côté de l’ONG avec son propre navire. Selon Lamya Essemlali, c’est Pete Bethune qui a décidé de monter à bord du baleinier pour “présenter la facture” de son navire personnel, coulé peu de temps avant par les Japonais, comme on peut le voir sur ces images qui résument les événements.

    Quand il a été emmené au prison au Japon, Pete Bethune n’a pas eu un procès équitable, il a été maintenu en détention comme un dangereux criminel à l’isolement et sans voir la lumière du jour jusqu’à ce qu’il accepte de signer un papier où il accusait Paul Watson”, raconte Lamya dans notre documentaire.

    Depuis, Pete Bethune a déclaré que son accusation contre Paul Watson était mensongère et extorquée en échange de sa remise en liberté.Mais ce n’est pas tout. Le Japon accuse aussi Paul d’être responsable des blessures qui auraient été infligées à un chasseur japonais par une boule puante durant cet “abordage”. Les boules puantes utilisées par les activistes étaient à base d’acide butyrique, une « sorte de beurre rance biologique et complètement inoffensif » explique Lamya. 

Pete Bethune a reconnu qu’il n’avait pas reçu de Paul Watson l’ordre d’aborder le navire japonais.

  • Le japonais blessé a été victime d’un tir de gaz lacrymogène de l’équipage du baleinier. Selon le mandat d’arrêt du Japon, donc, Paul Watson aurait ordonné de jeter de l’acide butyrique, un produit inoffensif mais très odorant, sur l’équipage du baleinier, ayant entraîné des “blessures” sur un membre de d’équipage. Sauf que selon les images de la série “Whales Wars”, qui a filmé la scène, ce n’est pas cette boule puante envoyée qui l’a blessé, mais le gaz lacrymogène utilisé en réaction par l’équipage japonais.

    Sur les images, on voit effectivement le pêcheur japonais se prendre du gaz lacrymogène dans les yeux. « Ce pêcheur a brûlé l’équipement de protection qu’il portait ce jour-là. Pourquoi avoir fait ça si ce n’est pour détruire des preuves ? Ce qui est gravissime, c’est que ce mandat d’arrêt international qui vise Paul Watson est basé là-dessus« , explique Lamya. Vous l’aurez compris, les accusations de la justice japonaise à l’encontre de Paul sont complètement farfelues et reposent sur un faux témoignage extorqué et de supposées “blessures” d’un chasseur de baleine, qui ont en fait été provoquées par les chasseurs eux-mêmes.L’objectif du Japon n’est pas de rendre “justice”, mais bien de faire taire définitivement le principal opposant au massacre illégal des baleines dont ce pays est responsable. Nous devons continuer à nous mobiliser massivement pour que cela ne se produise pas et que Paul retrouve sa liberté le plus rapidement possible.

Décryptage réalisé par Pierre Dezeraud, avec Axel Roux

Un article de Vakita

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