Il était là, recroquevillé sous le porche d’un vieil immeuble, un tas de poils sales et épars que la neige recouvrait peu à peu. Sa respiration était lente, presque imperceptible, et pourtant, il vivait encore. Un chien oublié, un fantôme parmi les passants pressés, insensibles à cette silhouette famélique qui se fondait dans le décor gris de la ville.
Il n’avait plus de force. Il ne comptait plus les jours depuis qu’il avait été mis à la rue. Une voiture l’avait déposé à la sortie de la ville, et la portière s’était refermée sans un regard en arrière. Il avait couru, aboyant de toutes ses forces, les pattes brûlées par l’asphalte. Mais le moteur avait rugi, et la poussière soulevée par les roues l’avait avalé tout entier.
Il avait marché des jours entiers, traînant son corps épuisé dans les ruelles où personne ne voulait de lui. Parfois, une main charitable lançait un morceau de pain, mais bien plus souvent, ce n’était qu’un coup de pied ou un seau d’eau glacée pour le chasser. Il ne comprenait pas. Il avait aimé son maître. Il lui avait léché les mains, il s’était couché à ses pieds, il avait veillé la maison, sans jamais faillir. Pourquoi l’avoir abandonné ?
L’hiver était arrivé sans pitié.
Le froid s’était glissé jusque dans ses os, serrant ses entrailles d’une douleur sourde. Chaque nuit, il cherchait un coin abrité, un trou dans lequel disparaître. Il grelottait, mais il survivait. Jusqu’à ce matin-là.
La neige tombait sans bruit, recouvrant son corps maigre d’un linceul blanc. Il n’avait plus envie de se lever. À quoi bon ? Son souffle s’apaisa. Ses paupières se fermèrent à moitié.
Puis, quelque chose toucha son flanc.
Une main.
Il ouvrit difficilement les yeux. Une silhouette s’était agenouillée près de lui. Une voix douce lui parlait. Il sentit la chaleur d’un manteau contre lui, des bras qui le soulevaient avec précaution. Un frisson le traversa, non pas de froid, mais d’un espoir ténu.
Peut-être que ce matin-là ne serait pas son dernier.
Peut-être qu’il y avait encore un endroit pour lui, quelque part.
Peut-être qu’il n’était pas complètement oublié.