En Creuse, l’association Canopée est parvenue à mettre fin à la coupe d’une forêt en pointant la présence de chauves-souris. Une interruption de chantier inédite qui met en avant la destruction d’espèces protégées par les coupes rases.
Lundi 19 mai, dans une forêt de l’ouest de la Creuse. Au milieu d’une clairière ouverte par une abatteuse, une dizaine de militants venus empêcher une coupe rase enjambent les troncs des arbres fraîchement tombés. L’air sereins, la mine réjouie, ils discutent, passent des coups de téléphone à des camarades de lutte, répondent aux médias dans une ambiance relâchée.
À quelques dizaines de mètres, pourtant, le conducteur de l’engin de coupe forestière finit sa journée de travail : à l’aide de sa lourde machine, il soulève les troncs, les ébranche et les coupe avec fracas.
Les militants n’esquissent pas un geste pour tenter de s’opposer au chantier, et pour cause : à peine l’action lancée, ces derniers ont trouvé un accord avec le forestier. Ce dernier à cessé la coupe, tandis que les défenseurs de la forêt le laissent débiter les arbres déjà abattus. Heureusement, il s’agit de résineux exploités en monoculture, de moindre intérêts écologique que les arbres aux alentours.
« Il reste 6 hectares debout, avec des chênes, des hêtres, des vieux bois intéressants du point de vue de la biodiversité » se réjouit Bruno Doucet, chargé de campagne « forêts françaises » de l’association Canopée, peu habitué à parvenir à interrompre les coupes rases.
Une interruption de chantier réussie en grande partie grâce à la présence d’espèces protégées sur la parcelle selon le militant.
Bruno discute avec le forestier qui se montre très coopératif : « Très amicalement, il nous a dit qu’il était bien désolé et qu’il ne savait pas que des espèces protégées se trouvaient dans cette forêt. C’était paisible, cordial et respectueux », raconte-t-il.
L’homme, de plus d’une cinquantaine d’années explique qu’il n’est pas un employé de la coopérative Alliance Forêt Bois (AFB), commanditaire de la coupe, mais un entrepreneur de travaux forestiers travaillant à son compte comme sous-traitant. Néanmoins, « ce dernier serait responsable en cas de destruction d’espèces protégées » rappelle Bruno.
« C’est une hypocrisie de la filière, s’agace David, militant local pour la protection du vivant ayant récemment suivie une formation en sylviculture et bûcheronnage. « Cette responsabilité retombe sur le maillon le plus faible de l’exploitation forestière alors qu’elle devrait retomber sur les épaules du propriétaire ou du gestionnaire. L’entrepreneur de travaux forestiers a des charges monstrueuses qui l’obligent à travailler 14h par jour : il n’a ni le temps ni l’argent pour missionner un inventaire faunistique avant d’intervenir sur une coupe. Cela montre qu’il faut une loi sérieuse sur la forêt ».
Bien conscient de cet enjeu et ne voulant pas pénaliser ce travailleur forestier, Bruno Doucet prend directement contact avec la direction de la coopérative Alliance Forêt Bois, commanditaire de la coupe. La coopérative accepte d’ouvrir le dialogue et de suspendre la coupe pour la journée.