Lorsque l’on cherche à comprendre le rôle des taupes dans les écosystèmes, on ne tombe que sur des techniques pour s’en débarrasser ou les éradiquer. Cependant, depuis quelques dizaines d’années, ce petit mammifère attise la curiosité des chercheurs en écologie terrestre par leur capacité à provoquer des perturbations utiles aux milieux qu’elles fréquentent, la plupart du temps, très homogènes. Et si ce talpidé était une espèce ingénieure ?
De par sa vie souterraine, elle est difficilement observable mais l’on devine sa présence par les petits monticules de terre agglomérés à la sortie de leur taupinière. Elle dispose d’une très mauvaise vue, ne perçoit guère les mouvements et les changements de luminosité et s’alimente de lombrics, d’arthropodes et de gastéropodes. |
Capable de creuser des galeries souterraines allant jusqu’à 20 mètres de long par jour et atteindre les 50 centimètres de profondeur, elle a un impact indéniable sur les sols qu’elle a foui et entasse à l’air libre. Les bioperturbations qu’elle engendre font d’elle une espèce ingénieure allogénique. C’est-à-dire qu’elle modifie son environnement en transformant un matériel vivant. Son activité de terrassière professionnelle lui octroie un rôle essentiel dans l’équilibre des écosystèmes qui devrait en faire une espèce protégée. |
1/ Les taupinières, des perturbateurs naturels de biodiversité |
Lorsque l’on évoque le mot taupe, nous avons instantanément cette image de prairies aux motifs dalmatiens. Ces pelouses parsemées d’éruptions volcaniques qui ne sont autres que les monticules de terre accumulés par ces mammifères lorsqu’ils construisent leurs galeries. Or, ils servent de toilettes publiques à beaucoup de petits animaux enrichissant ainsi la terre. De plus, le territoire de la taupe (variant de 500 à 1000m2) est dépendant du nombre de vers de terre disponibles. Ainsi, les taupes sont un bon indicateur de l’état des sols. Des analyses effectuées sur ces monticules ont démontré qu’ils avaient une teneur en nitrate plus conséquente que la pelouse environnante. |
2/ Les taupinières, des terreaux fertiles et protecteurs pour les papillons cuivrés communs et leur progéniture |
Le cuivré commun (Lycaena phlaeas), papillon répandu en Europe dans des milieux ouverts, secs ou humides et typiques des prairies maigres à végétation basse et ouverte avec une certaine quantité de sol nu subit de plein fouet les conséquences de l’intensification agricole. |
Le microclimat créé par une taupinière – c’est-à-dire chaud par son exposition surélevée et avec une végétation éparse qui implique des températures, elles aussi plus élevées au niveau du sol – produisent des conditions optimales pour les jeunes chenilles en quête de chaleur pour leur développement. |
3/ Des taupes, des trous et des symbioses mycorhiziennes |
Dans les espaces investis par ces petits mammifères, la pousse des arbres y est favorisée. Ces derniers favorisent les processus de mycorhization qui est le fait qu’un champignon du sol soit associé à des racines, ici, d’arbres en une association vitale pour les deux partenaires. Tel l’explorateur, le mycélium parcourt de grandes surfaces sous le sol. En creusant ses galeries souterraines, la taupe crée un réseau propice pour planter un arbre et favoriser ainsi la mycorhization. |
Planter un arbre dans une taupinière, c’est mettre immédiatement à la disposition de ses racines des nutriments, de la disponibilité en eau et en oxygène, et du mycélium, à disposition des racines. Durant des années, et encore aujourd’hui, nous essayons de cadrer, nettoyer nos jardins en domptant une biodiversité florissante dont les bouleversements, les aléas et la diversité sont des maillons essentiels pour sa préservation. On ne dompte pas la nature, on cohabite avec elle. Et si la taupe était érigée en symbole de sa résistance ? Des sortes de créatrices d’espaces non-esthétiques et cabossés qui cachent milles et un secret dont le plus important serait celui de la préservation du Vivant ? |
