Le blaireau vit en colocation avec d’autres espèces et protège la forêt

« Si tu crois que l’aventure est dangereuse, essaie la routine, elle est mortelle ». Tel le reflet de cette citation de l’auteur Paolo Coelho, les forêts et les cours d’eau se meurent dans les images statiques que la plupart des humains leur octroient. La biodiversité, le Vivant sont modelés par des dynamiques de perturbations naturelles qui ont une longue histoire évolutive avec la forêt. Ce poumon géant danse au rythme des pulsations de ses transformations par lesquelles sa régénération devient possible. Mais, cette forêt ne peut vivre que grâce à de petites mains ingénieuses qui œuvrent à ces perturbations ; assurant ainsi le maintien d’une hétérogénéité et d’une diversité floristique. Nous vous invitons à découvrir une espèce mystérieuse et nocturne : bienvenus dans le monde fascinant du blaireau !

Son logis lui est essentiel : il l’occupe une très grande partie de l’année pour se reposer, hiberner, s’y reproduire et éduquer ses petits. A l’instar des catacombes parisiennes ou des fascinantes fourmilières, sa tanière est un vaste réseau complexe de tunnels et de chambres pouvant aller jusqu’à plusieurs mètres de profondeurs. Ces logis sont caractérisés par plusieurs entrées marquées pas un tas de déblai et des gouttières creusées à force de passage.
Ces véritables reliefs naturels provoquent des perturbations qui ont un impact direct sur la biodiversité. Il a été mis en lumière, dans une étude polonaise, les transformations générées par le terrassement des blaireaux. Entre autres : le renversement d’un processus naturel. Celui de l’acidification de la terre en surface (ph bas) pendant que le lessivage par l’infiltration de l’eau de pluie entraîne les ions alcalins en profondeur.
En effet, le pH du sol remué près des tanières est plus élevé que dans les sols environnants des forêts (sécrétions des racines et accumulation de litière en surface). Ceci s’explique par le fait qu’en déplaçant une grosse quantité de terre profonde plus alcalines en surface, cette dernière s’enrichit en minéraux tels que le calcium, le potassium et le magnésium, favorables à la nutrition d’une plus large gamme d’espèces végétales.
Comme sa cousine la taupe, le blaireau, en modifiant la nature chimique du sol, permet l’apparition de végétaux spécifiques à ce mini-écosystème, endémiques des terres remuées. Bénéficiant temporairement de non compétition, on y trouve : la chélidoine, la grande ortie, la laitue des murailles et la benoîte urbaine.
Avec l’impossibilité de germer dans la litière dense et ombragée du sous-bois, elles profitent des ouvrages des blaireaux exposés à la lumière pour pousser rapidement et favoriser leur installation. Ces plantes jouissent des énormes quantités de calcium, de magnésium et de potassium remontées des entrailles de la terre. Les blaireaux créent ainsi des ilots différenciés éparpillés au sein des massifs forestiers, assurant le maintien d’une hétérogénéité et de la diversité floristique.
Son activité de fouisseur permet donc l’aération des sols, l’apport de phosphore, le développement d’une certaine communauté végétale et, un rôle crucial dans l’essaimage des graines qui contribue à la diversité végétale. Il consomme des quantités astronomiques de fruits charnus dont les graines (noyaux, pépins) se retrouvent intactes dans les déjections déposées dans les latrines : c’est l’endozoochorie, un mode de dissémination des graines par les animaux.
La grande différence entre le renard et le blaireau au grand dam de ce dernier, et que le mustélidé est très propre et possède ses latrines à l’extérieur de son logis. Cette cohabitation déjà difficile, notamment pour une question d’hygiène, est démultipliée lorsque le renard dégaze en entendant venir un intrus près du logis commun. Le blaireau, cette vraie marmotte, préférera, s’il se réveille, rester terré chez lui, devenant ainsi victime de la fuite malodorante de son colocataire !
Le terrier du blaireau sert aussi de logis à plusieurs autres espèces : lapins, chauves-souris, chats forestiers ou Petit rhinolophe.