Des scientifiques pensent que les baleines essaient de communiquer avec nous

Une dizaine de baleines à bosse ont émis de grosses bulles circulaires d’environ 2,5m à l’approche des humains. Une étude américaine s’est penchée sur ce comportement et vient réveiller un grand fantasme : établir la communication entre les cétacés et les humains.

Les cétacés sont bien connus pour leur maîtrise des bulles sous-marines, notamment grâce à leur évent d’où ils expulsent l’air. Ainsi, ces bulles peuvent servir à éloigner un rival ou chasser, à l’image des filets de bulle formant une parfaite spirale de Fibonacci créée par la collaboration de plusieurs baleines à bosse. L’une des techniques de chasse les plus remarquables et ingénieuses du monde animal.
Dans différents endroits du monde, des bulles d’un nouveau genre ont retenu l’attention des scientifiques. Une étude publiée dans Marine Mammal Science s’est ainsi penchée sur des anneaux de bulles géants soufflés par les baleines à bosse en présence d’humains.
Les auteurs de l’étude ont analysé « 12 épisodes de production d’anneaux impliquant 39 anneaux produits par 11 baleines à bosse distinctes ». Cet anneau est un vortex à rotation poloïdale, alimenté par de l’air, d’un diamètre de 2 jusqu’à 3 m pour trois des anneaux observés. Ils sont comparables aux ronds de fumée que certains fumeurs peuvent créer.
Deux structures de bulles distinctes : (a) un filet de bulles type Fibonacci (photo : M. Van Aswegen/AWF) et (b) une bulle en forme d’anneau (photo : D. Knaub). Il s’agit de structures physiques très différentes.
L’une des hypothèses avancées par les chercheurs de l’Institut SETI seraient que ces bulles seraient produites par les baleines à bosse pour communiquer avec les humains. Pour Fred Sharpe, co-auteur de l’étude, il semblerait que les baleines à bosse « produisent des anneaux de bulles à notre attention dans une tentative apparente d’interagir de manière ludique, d’observer notre réponse et/ou de s’engager dans une forme de communication ».
Or, cette première interprétation est à prendre avec la plus grande prudence pour la cétologue Fabienne Delfour, autrice du livre « Dans la peau d’un dauphin » et co-autrice de notre livre-journal ANIMAL. En cause : le manque de données à disposition des chercheurs, leurs études ne s’appuyant que sur une dizaine de cas et ne précisant que partiellement le contexte de ses productions.
« Ces bulles peuvent être associées à de l’exploration, de la curiosité, des états inconfortables ou des interactions plutôt négatives, chez les dauphins sauvages par exemple, explique-t-elle pour La Relève et La Peste. Il est donc primordial de contextualiser la production de ces bulles, et de connaître les séquences comportementales des animaux émetteurs avant et après, pour interpréter correctement la signification et la fonction de ce comportement »
Les mêmes bulles peuvent ainsi avoir des significations différentes selon le contexte donné. En milieu naturel, les bulles soufflées par les dauphins peuvent traduire de la frustration, de l’énervement, « quand il y a vraiment des donuts, c’est qu’ils sont en pétard » avertit Fabienne Delfour. A l’inverse, leurs bulles sont corrélées à des événements positifs dans les delphinariums.
Pour mieux les comprendre, Fabienne Delfour collabore au projet scientifique CHAT (Cetacean Hearing Augmentation Telemetry). Porté par l’IA DolphinGemma, cet ambitieux programme vise à établir les premières bases d’un dialogue vocal entre humains et dauphins à partir de sons tirés du répertoire vocal des dauphins.
« On essaie d’avoir un échange avec eux, explique Fabienne Delfour. Les limites, c’est le contexte difficile à prévoir et surtout que ces animaux sauvages ont d’autres choses à faire qu’interagir avec nous, humains. Ils doivent chercher de la nourriture, se reproduire, veiller sur les jeunes, nous ne sommes pas leur priorité »
« L’idée que les animaux aient un message à nous délivrer, c’est une chose, mais je ne suis pas sûre que tous les humains soient disposés à entendre ce qu’ils ont à nous dire », prévient Fabienne. « C’est peut-être : « Quittez l’Océan, on n’en peut plus de vous » ! »
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