Decryptage Hugo Clément

les chasseurs du Doubs veulent éliminer la moitié des chamois de leur département en une seule année !
Sur le papier, il n’y a rien à reprocher à ces paisibles animaux, loin d’être en surabondance puisqu’ils ne représentent qu’environ 10 % des effectifs d’ongulés du Doubs. Au contraire, selon l’ASPAS, association de protection des animaux sauvages, le chamois serait en déclin dans plusieurs départements.

C’est le cas notamment dans le département jurassien du Doubs. D’après l’ASPAS, les effectifs auraient chuté en raison des abattages croissants passant de 1396 individus recensés en 2023 à 1140 en 2024. Mais les chasseurs du coin ne l’entendent pas de cette oreille. Ils estiment que la “régulation” massive du chamois doit absolument être poursuivie. La Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, dont la Fédération de chasse du Doubs est partie prenante, leur a donné gain de cause.

Le nouveau plan de chasse du département prévoit ainsi de tuer entre 425 et 594 chamois d’ici la fin de la saison de chasse. Ce qui représente une proportion énorme de plus de 35 à plus de 50% des représentants de l’espèce dans le département voués à être abattus. La raison ? D’après la Fédération de chasse locale, les chamois seraient responsables de dégâts sur certaines parcelles forestières et agricoles en raison de l’abroutissement, une pratique de broutage des bourgeons et des jeunes pousses. 

Un argument pourtant battu en brèche par Jean Chapuis, délégué local de l’ASPAS dans le Doubs : “Aucun dégât forestier et agricole n’est scientifiquement documenté et imputable à l’espèce chamois. Ils broutent un peu d’herbe, c’est vrai, mais ils ne méritent pas la peine de mort !” “Quand on remet les choses en perspective, il faut savoir que la surface boisée dans le Doubs, c’est 230 000 hectares. Rapportée aux chamois, leur densité tombe à moins d’un animal pour 100 hectares boisés, c’est extrêmement peu mais les chasseurs se gardent bien de le mettre en avant”, complète Corinne Legras, porte-parole de Humanimo, une association locale de défense des intérêts des animaux.

Certes, les chamois vont consommer des bourgeons et des jeunes pousses. C’est normal, c’est la base de leur alimentation. Mais on est loin de dégâts généralisés. Peut-être qu’une dizaine de chamois va brouter l’équivalent de ce qu’aurait brouté un bovin. Mais même ça, c’est trop, donc la seule réponse proposée, c’est d’abattre encore et toujours dans le même sens, c’est-à-dire à l’avantage de l’être humain et ses troupeaux”, explique Corinne.

Les chasseurs déplorent le manque de prédateurs naturels… mais ne veulent pas du loup ni du lynx
Outre les pseudos-dégâts dont se plaignent certains forestiers et éleveurs, l’autre argument avancé par les chasseurs du Doubs pour justifier la régulation de l’espèce est encore plus lunaire. Selon eux, il n’y aurait pas assez de prédateurs pour réguler le chamois. Ces prédateurs existent pourtant bien dans le département, mais ils sont eux aussi traqués.

Depuis la fin du mois d’août, 5 loups ont été abattus dans le Doubs. Le préfet a dit qu’il ne voulait pas la suppression du loup mais ces chiffres et le déploiement de toute une armada de louvetiers montrent le contraire”, souligne Corinne. D’un côté on se plaint de l’absence de prédateurs pour les chamois, de l’autre on abat ces mêmes prédateurs. Allez comprendre.

Outre les loups, un autre prédateur peuple le massif jurassien. Il s’agit du lynx boréal. De retour dans le Jura depuis à peine 50 ans, l’espèce tente de survivre malgré le fait qu’elle soit massivement victime de collisions routières et de braconnage. Que consomme ce carnivore ? Notamment des ongulés sauvages, dont des chevreuils et… des chamois ! Et devinez à qui ça ne plaît pas ? Aux chasseurs, bien sûr !
En début d’année, Vakita vous révélait un courrier dans lequel des membres de la Fédération des chasseurs du Doubs réclamaient à leur direction de soutenir un abaissement du statut de protection du lynx et de se porter garante de sa “régulation”. En clair, ces chasseurs aimeraient pouvoir tirer sur les lynx, qui est pour l’instant une espèce protégée, car ils sont “très inquiets quant à la pérennité des espèces chevreuil et chamois sur (leurs) territoires de chasse”.
Oui, vous avez bien lu ! Ces chasseurs appartenant à la fédération du Doubs s’inquiétaient que les chamois ne soient bientôt plus assez nombreux, alors que cette même fédération soutient aujourd’hui que les chamois sont au contraire trop nombreux et qu’il faut les “réguler” !

“On voit bien toute l’incohérence de leurs arguments. D’un côté, il y aurait trop de chamois. De l’autre, il faudrait tuer les lynx pour qu’ils ne tuent pas trop de chamois. Il faut vraiment qu’ils arrêtent de tromper les gens”, s’agace Corinne Legras. Une pétition contre l’abattage des chamois du Doubs a été lancée et recueille déjà plus de 38 000 signatures. Vous pouvez la signer en cliquant ici.
Décryptage réalisé par Pierre Dezeraud, Axel Roux et Hugo Clément

Extrait de la newsletter d’Hugo Clément

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